Dans sa définition originale par Sackett (années 90), l’evidence-based medicine est « l’utilisation consciencieuse, explicite et judicieuse de la meilleure « évidence » du moment, pour une prise en charge personnalisée de chaque patient »
Elle se base ainsi sur 3 éléments :
1. Les meilleures recherches disponibles
2. Les valeurs et préférences du patient
3. L’expertise du clinicien
Pourtant, l’evidence-based medicine est souvent perçue comme une médecine basée uniquement sur les preuves cliniques, dans laquelle l’expérience patient n’aurait pas sa place, par opposition à une médecine centrée sur le patient.
Une telle démarche, qui consisterait à se baser uniquement sur les résultats des études cliniques pose de nombreux problèmes, car il est très compliqué d’appliquer à un patient précis les conclusions d’une étude générale.
En effet, les résultats des études cliniques sont des statistiques, dans lesquelles la pathologie n’est pas envisagée du point de vue de l’individu, mais du point de vue d’un groupe, d’une population. C’est pourquoi la pertinence clinique du résultat peut être difficile à évaluer.
D’autre part, les particularités individuelles du patient doivent être prises en compte, les résultats des études cliniques étant valables uniquement pour des patients avec des caractéristiques bien définies, sélectionnés pour l’étude. Or, dans la pratique, la situation est en général plus compliquée, avec bien souvent des comorbidités associées.
Ainsi, ce qui est blanc ou noir dans une revue scientifique peut rapidement devenir gris dans la pratique clinique. C’est ce que Naylor a défini comme les « Grey zones ».
Le terme anglais d’«evidence» est souvent compris comme « évidence », ou « preuve », ce qui est trompeur, car l’evidence-based medicine ne procure pas de certitude. Au contraire, elle tente de mesurer la valeur de « l’incertitude » scientifique. Ainsi, un essai randomisé qui évalue un traitement n’apporte pas de certitude, mais fournit des éléments de réflexion :
– au niveau du groupe, on ne peut pas conclure “ce traitement est bénéfique”, mais “ce traitement a tel effet thérapeutique et tel effet secondaire indésirable dans tel pourcentage de cas et dans telle population étudiée”
– au niveau de l’individu, on ne peut en déduire que ce traitement est bénéfique dans l’absolu, on peut juste estimer une probabilité de bénéfice.
L’evidence-based medicine suppose donc une autre relation médecin-patient : les études vont effectivement permettre de mesurer les avantages et inconvénients de chaque traitement, mais leur évaluation quantitative exige de prendre en compte le « poids » que leur donnera le patient.
L’information du patient n’est donc pas seulement un problème éthique ou une obligation réglementaire, c’est une nécessité pour que le patient puisse se faire une opinion sur les différentes options possibles. La décision médicale est une décision commune, partagée, réfléchie.
« Ajuster à chaque patient, sujet souffrant et non objet d’étude, les données de la science, demeure le plus beau défi de notre métier passionnant. Nous sommes des artisans tailleurs et non des ouvriers du prêt-à-porter » Dr François Pilet, Revue Médicale Suisse 2004.
Sources
http://documents.irevues.inist.fr/bitstream/handle/2042/9725/SFSPM_2005_04_67.pdf?sequence=1
https://www.revmed.ch/RMS/2004/RMS-2506/24204